Je ne peux plus être moi

[AdrienS]

Bonjour.
J'ai un besoin d'exprimer tout ce que j'ai sur le coeur et je ne sais plus où le faire. Surtout pas ma famille, je leur ai déjà fait subir une période de dépression l'année dernière je ne veux pas leur faire re-subir ça, je me sens trop coupable que mon état les touche tant. Et je suis à peu près persuadé que je ne suis pas touché par une simple dépression.

Bon. Tout d'abord disons que j'ai tout pour être heureux dans ce que la norme définit comme telle : Des parents qui m'aiment, une famille assez nombreuses, des amis, des relations. D'après mon entourage, mon physique est agréable, j'aurai du charme et du charisme. J'ai 20 ans, je suis en L3 Science Po, études qui m'intéressent. Mes passions sont la musique (je pratique la basse et la guitare avec un plaisir intense, je prend aussi mon pied en chant), l'écriture (poèmes, nouvelles, parfois billet d'humeur..) et la lecture en tout genre. (fantastique, litté, histoire, romans, poésie)

Bref, ça c'est l'apparence. Passons à l'introspection.
Depuis que je suis enfant, je me sens comme un extraterrestre et j'ai toujours refoulé une partie de ma personnalité. Il y a deux choses : D'un côté mes pensées vont très vites et ne s'arrêtent jamais. Mon cerveau ne prend jamais de pause, j'analyse tout, décortique tout, veut tout comprendre.
Constamment dans ma bulle, je ne suis vraiment bien que dans celle-ci. Même si avec les années j'ai appris à le cacher, je suis hyper-sensible, ce qui engendre une empathie qui me bouffe. Tout m'atteint à la puissance 1000, que ce soit le malheur des autres ou celui qu'on me fait subir. Je voudrais aider tout le monde, rendre cette réalité plus belle.
Mon éducation a fait que cette personnalité ne devait pas réellement être encouragé : je me devais d'être fort, pour affronter ce monde si difficile, élitiste, compétiteur. Pour me protéger je me suis constitué un masque au fur et à mesure : celui du mec fort et ambitieux, narcissique et sarcastique. Plus de rêveur gentil et doux.
Ca n'a que trop duré, je sens que j'explose. Je n'en peux plus de cette image que je me suis faussement constitué, je n'en peux plus de mon cerveau qui ne veut jamais s'éteindre, jamais se taire. Je fume du cannabis pour atténuer ce flot incessant. J'ai l'impression de devenir fou. Je me sens emprisonné par mon propre esprit et ma propre sensibilité. Je ne me sens pas adapté à cette réalité de l'intérêt personnel, de l'individualité exaltée, du manque de ce que je chéris encore comme "l'humanité" : la paix, l'amour, la compassion, la vie collective. Oui, un rêveur niais, j'en conviens.

Mon problème est là : je me sens atrocement seul, quand je parle de mes réflexions, mon entourage me dit que je suis trop compliqué, trop critique sur le monde qui m'entoure, que c'est comme ça, que je n'y peux rien et que je dois arrêter de me torturer. Ils ont sûrement raison. Je n'aspire pas à la gloire comme tout mon entourage, juste à un idéal de bonheur collectif. Suis-je si stupide et aveugle..? Pourquoi je n'arrive pas, comme les autres, à me contenter d'apprécier ma vie sans penser aux malheurs au delà de la sphère personnelle ?
Je me sens si mal d'être comme je suis et de ne pas pouvoir correspondre à ce qu'on attend de moi. Je veux vivre ma vie, mais j'ai tellement peur que ma vraie personnalité soit rejetée. J'ai l'impression que j'ai passé ma vie à tenter de rentrer dans un costume qui n'est pas fait pour moi.
Ca peut paraître si futile comparé aux autres malheurs bien plus concret qu'un simple mal-être existentiel, je le sais..
Mais je vous le demande : Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?
Je vous remercie d'avance.

[Dubreuil]

Bienvenue dans " le clan " des surdoués. ( ou autre adjectif tout aussi inexact et sans intérêt pour qui en est atteint et se sent marginal.. )
Si Jeannette passe par là elle en sait un rayon !
Vous avez des internautes qui partagent avec vous cet " handicap ".. ( ! ) ils vont sans doute vous répondre.. et vous pouvez également rechercher en haut et à droite de votre ordi, tous les posts se rapportant à vos traits de caractère. Vous y trouverez des témoignages et peut-être sinon des ami(e)s du moins des sympathisants, car en effet.. ce sont souvent des solitaires.

[AdrienS]

Je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de me répondre.
Cette nouvelle me fait l'effet d'un coup de poing. Il est vrai que le savoir n'apporte rien, mais quelque part je me sens soulagé de comprendre que je ne suis pas seul et effrayé de rendre officielle ma différence. Une dernière question : Peut-on se faire suivre pour apprendre à vivre avec ? Je sens un besoin urgent que je dois faire une pause dans ma vie, mes études, dans ces ambitions d'un autre moi rêvé.. Pour apprendre à être moi-même. Mais je ne sais pas vraiment si cette volonté est raisonnable.

Merci encore ! Je vais de ce pas regarder les témoignages !

[Jeannette]

Comme dit (ou presque) Mme Dubreuil... bienvenue au club

Même si, ce matin, j'ai les neurones qui patinent à cause de (grace à ?) une bonne crève
Alors je t'en dirai certainement plus lorsque j'aurai retrouvé une forme un peu plus "normale". Mais je voulais déjà réagir à ta question :
> Peut-on se faire suivre pour apprendre à vivre avec ?

Oui. Ou plus exactement, un peu comme n'importe qui, on peut rencontrer un psychologue (ou un psychanalyste) en compagnie duquel on apprendra à vivre avec soi, différent des autres (nous le sommes tous, d'une façon ou d'une autre...) mais surtout en paix et en accord avec soi-même.
Il existe des psy spécialisés dans le "suivi" des surdoués. Et cela peut aider à mieux comprendre cet aspect là de notre fonctionnement. Mais ce serait dommage d'oublier toutes les autres facettes...

[AdrienS]

D'accord c'est super pour ce qui est du suivi, je vais me renseigner pour un psy spé à Rennes ! Merci Jeannette ! Mais je doute vraiment de mon appartenance à ce "club". Mon père m'a toujours dit que j'étais simplement un gros paresseux distrait qui se pose beaucoup trop de questions, c'est aussi comme ça que je me vois, j'ai intégré cette vision négative.
Pour ce qui est des autres facettes, je suis d'accord. Mais pour tenter de faire comprendre : en somme j'ai connu mon premier échec dans ma vie étudiante il y a de ça plus d'un an et demi (concours science po où j'ai tellement paniqué que je me suis enfui après la première épreuve). Auparavant je n'en avais jamais connu, je n'avais jamais vraiment travaillé pour réussir. Ma 2e année de droit qui a suivi je l'ai eu mais dans de très grandes difficultés (dépression, échecs répétés, angoisse constante), et là la 3e année je recommence à très violemment angoisser pour tout ce qui se rapproche de près ou de loin à un examen. (idées noires, envie de partir ailleurs, de tout quitter..)
De plus, pour ce qui est de mes réussites et accomplissements, comme par exemple le journal de la fac que j'ai créé et fait vivre, je me sens toujours comme un imposteur. En vérité je me sens toujours comme un imposteur dans tout ce que je fais : l'écriture ou la musique, mes deux vrais passions d'expression aussi, comme j'ai toujours appris seul et sans vrai difficulté ça me parait comme ... faux, si on veut..
C'est en ce sens que je parlais de faire une pause (changer d'environnement par ex), j'ai vraiment la sensation d'exploser.
En tout cas, soigne bien ta crève !

[Jeannette]

De ce que tu décris, tu aggraves ton cas au lieu de l'améliorer
Surdoué ou pas, je n'en sais fichtre rien, et je ne suis même pas sûre que quelqu'un sache ce que cela signifie vraiment... toujours est-il que des fonctionnements un tantinet différents de la moyenne se retrouvent chez diverses personnes, dont les surdoués. Et que tu en décris de belles composantes.
Une qualité ? Non. Ni un défaut. Une différence. Et des fonctionnements qui se retrouvent, au moins en partie, chez les gauchers, chez les personnes atteintes du syndrome d'Asperger, et chez d'autres. Des fonctionnements qui existent chez tout le monde. Mais qui deviennent "prioritaires et permanents" chez certains. Et qui deviennent pénibles dans certains cas...