Mon père...

[Emilyx]

Pourquoi alors j'ai l'impression que ce jour ne viendra jamais ?
Ça vaut la peine d'aller voir un psy et de garder ce tiroir douloureux ouvert ? Je veux le fermer, je veux tout oublier. La mutilation et l'alcool ne sont plus suffisants.

[Emilyx]

Je n'ai plus le courage de vivre. Juste le courage de mourir

[Jeannette]

Autrement dit plus le courage de rester celle que tu es pour l'instant... alors quitte à détruire celle là, tu peux aussi tenter d'en devenir une autre.

[Emilyx]

On ne peut pas devenir une autre personne. On reste toujours avec notre passé. Toujours.

[Jeannette]

On ne réécrit pas le passé, mais on peut changer ses conséquences et la façon dont on y pense.

C'est si difficile que cela de s'autoriser à essayer ?

[Emilyx]

oui très difficile

[Jeannette]

Et tu ne crois pas que ce serait un beau cadeau à te faire et à faire à ce qui ont été heureux de ta naissance ?

Maintenant, c'est à toi de faire un choix : prendre le risque de devenir une femme heureuse avec tout ce qui va avec, où considérer que les actes de cet homme t'ont définitivement détruite et que ta vie se résume à cela, en oubliant et en meprisant toutes les autres pages de ton histoire , que ce soit tes bons souvenirs d'enfance ou les belles choses que tu pourrais vivre et faire.
À toi de voir.

[corto maltese]

Et bien, sans vouloir le moins du monde vous influencer Emilyx, je ne peux que vous livrer ma propre expérience -et mon avis.
Je suis un homme de 36 ans, et j'ai parlé de "ça" (une série d'agressions sexuelles subies dans l'enfance) à un psy il n'y a que deux mois. C'était le deuxième psy que je consultais, et j'avais pris la décision de parler des agressions sexuelles subies du premier coup, tout de suite, pour ne pas tourner autour du pot pendant des séances et des séances.

J'ai 36 ans, je suis un grand gaillard, athlétique, qui présente bien, avec un bon niveau d'étude,tout ce qu'on voudra... Mais je me suis mis quand même mis à pleurer comme jamais. Ce fut très dur, mais en sortant j'étais fier quelque part, car c'était pour moi le signe que j'arrivais à prendre le taureau par les cornes, que à partir de maintenant, je regardais "ma part d'ombre" en face, que je cessais de me défiler. Et ça, c'est déjà une victoire.

Bien entendu, c'est dur. Il y a des hauts et beaucoup de bas, car évoquer tous ces traumatismes oblige à porter un œil plus attentif sur les mauvais souvenirs, et les stratégies de survie adoptées jusque là sont moins efficaces. Mais, si je ne vois pas déjà le bout du tunnel, au moins je me suis engagé dans celui-ci, et j'ai commencé à avancer : je ne sais pas encore où je vais, mais il y a une direction, j'avance. J'ai maintenant moins souvent l'impression de tourner en rond dans le noir.
En d'autre termes, je ne suis pas encore sorti de l'eau glacée, mais au moins, j'ai attrapé la bouée. Et je ne compte pas la lâcher.
Vous ne savez pas encore ce que vous allez devenir, c'est vrai. Vous avez peur, c'est normal. On vous à fait du mal, peut-être vous dites-vous qu'on vous a bafouée. La meilleure réponse est de montrer que l'on a rebondi, que l'on a survécu, que l'on a pas été complètement détruit. Que "l'autre", ne nous a pas complètement défait.

C'est dur, c'est épuisant, c'est sans doute long. Mais si comme moi, vous avez encore en vous l'espoir de prendre un jour plaisir à tenir une main, à regarder un paysage ou à croquer dans un fruit, ou à rire, alors vous le ferez (au pire, peut-être pouvez-vous l'écrire sur un papier que vous emmènerez chez le psy, il est plus facile de lire une chose préparée que d'improviser). Vous le ferez car vous le devez à une personne formidable, vous-même.