délires

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miroir
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délires

Message par miroir »

Bonjour,
Je ne sais pas ce qui me prend d'écrire ici. J'ai écrit un premier sujet il y a 10 minutes mais je l'ai supprimé. Je délirais : je vais essayer d'être plus claire.
Je suis en prépa depuis trois ans et depuis trois ans je délire, ou peut-être plus; j'ai l'impression honnête d'être tout à fait folle: comment l'expliquer? Je ne pense pas que je le sois. Il est bien plus romanesque de se dire qu'on est fou que simplement triste, médiocre, déprimé. Je pleure souvent et quand je le fais je m'allonge sur le sol de ma chambre; quand il n'y a personne, je crie; il m'arrive aussi de crier dans ma tête, très fort, en plein milieu de la journée : je regarde quelqu'un et je crie : HHHHAAAAAA. Evidemment, personne ne m'entend. C'est tout à fait ridicule, sans doute. Je parle seule, ou plutôt je pense seule; mais c'est-à-dire que tout a lieu dans ma tête : des conversations sans fin, toujours répétées, où je m'adresse à quelqu'un que j'admire, un vrai adulte, qui me dit : mais resaisissez-vous, mais cessez donc de vous lamenter. Et moi, dans ma tête, pendant tous mes trajets de métro, je lui parle et lui dis : mais je suis sans vie et sans rêves, et je voudrais me tuer. Evidemment, je ne me tuerai pas, je n'en aurais pas le courage; et puis il y a des choses que je désire : j'ai 20 ans et rien n'est arrivé. Parfois, je prie pour qu'il arrive quelque chose.
Il n'y a pas que cela: je fantasme ou plutôt je désire des femmes âgées, c'est-à-dire dans la quarantaine : pourtant je n'ai pas de problèmes avec ma mère. Et c'est ainsi que j'ai inventé des romans avec des tas de femmes que j'ai cru aimer. L'année dernière, pendant une colle que je passais devant une professeure, j'ai cru l'avoir troublée : je le jure, pendant que je parlais de l'amour, quelque chose dans son regard a changé; en faisant l'appel elle a tremblé en prononçant mon nom; je lui ai inventé une aventure avec une fille de la classe, qui chaque fois qu'on parlait d'elle se troublait; et parce que je suis bonne sans cesse elle me regarde quand elle parle : mais c'est à cause de mes notes. Cela m'obsède : voilà le genre de choses qui m'obsèdent. Et je délire.
Je veux désespérément intégrer l'ENS, que j'ai manqué de quelques points l'année dernière; j'en ai pleuré pendant des jours; j'en devenais folle; je l'étais déjà, peut-être : maintenant il faut tout recommencer. Il n'y a que quand je travaille que les voix se taisent. Alors je m'aliène dans l'étude, au point d'oublier tout de ce que j'ai espéré. Evidemment ne pas réussir me rend malade : j'ai tellement d'orgueil que la moindre mauvaise note me touche en plein coeur; je ne supporte pas de ne pas réussir quelque chose. Le sentiment qui m'a le plus envahie dans ma vie, c'est la honte. J'ai toujours honte. Tout à l'heure aussi j'ai eu honte : c'est pourquoi j'écris ici, je crois. Et honte encore, le message posté. Et quoi dire? quoi faire? j'ai 20 ans et d'ici j'ai l'impression d'avoir tout vu, je devine qu'il ne m'arrivera rien; je me révolte pourtant contre ma médiocrité.
Je suis dans ma classe tout à fait seule : il y a une fille à côté de qui je suis assise mais - le dirai-je? - je ne l'aime pas : dirai-je que c'est parce qu'elle est laide, parce que physiquement elle me déplaît, parce qu'il y a quelque chose en elle qui respire la haine et la rancune (mais peut-être que c'est ma propre haine, ma propre rancune que j'y vois figurées?)? Je peste contre le monde entier, mais c'est moi que je hais le plus.
Les seuls moment où je me sens bien c'est quand je suis chez moi: avec ma famille; alors quelque chose de ma révolte se tait, s'anéantit, et je me sens libérée. Autrement, je coule : dans le métro, je demeure assise, droite, je regarde autour de moi et ne vois rien : des têtes baissées, auxquelles aucune question n'est possible. Avant, je pouvais lire; même les livres ne me consolent plus. Je suis seule et m'aperçois que je le serai toujours, je me demande si toujours je serai emprisonnée avec cette voix dans ma tête, ou si elle se taira; mais alors je serai morte : quel effroi que d'y penser! Quoi dire encore? Est-ce que je suis folle?
Dubreuil
Psychologue clinicien
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Inscription : 03 août 2012, 17:28

Re: délires

Message par Dubreuil »

Deux mauvaises nouvelles, d'abord vous ne délirez pas, et ensuite vous n'êtes pas folle. Donc il va donc falloir atterrir et vous diriger vers d'autres croyances ou occupations... courage !!!
Tout d'abord, une petite généralité sur la honte... Dites-nous ensuite si quelque chose vous interpelle.
Honte de soi, de son histoire, de son image, de ses origines ou, tout simplement de situations vécues, le sentiment de honte se vit malheureusement, le plus souvent dans le silence. On s'en cache autant qu'on la cache. Pourtant, seule sa verbalisation permettrait de s'en défaire.
La honte est une émotion universelle qui possède sa propre physiologie et ses caractéristiques. Rougissement de la peau, regard baissé, nuque courbée, la honte se caractérise aussi par un sentiment d'indignité, des pensées d'infériorité et de dévalorisation. Elle est le sentiment ressenti lorsque nous, nos actes, notre identité, ne correspondent pas aux normes du groupe auquel nous appartenons, ou souhaiterions appartenir.
Emotion assassine, elle contribue à couper des autres, celui ou celle qui la ressent.
La honte peut, cependant, s’avérer être une émotion socialement utile, car elle, ou plutôt la volonté de l'éviter, nous pousserait à bien nous tenir dans le groupe, à en respecter les règles afin d'en être acceptés ou, tout simplement pouvoir y demeurer. La honte, selon des études menées, posséderait aussi quelques conséquences positives. En effet, des études ont révélé qu'elle rendrait notre interlocuteur plus indulgent et plus enclin à nous aider.
Il est essentiel, dans un premier temps, de savoir distinguer la honte de la pudeur et de la culpabilité. Si ces dernières, la pudeur et la culpabilité, ont, elles aussi, une utilité sociale, leurs conséquences, contrairement à la honte, ne menacent en rien l'intégrité de la personne. Comme l'écrit le psychiatre Tisseron dans son livre « Vérités et mensonges des émotions », « la pudeur protège, la culpabilité sociabilise, la honte désoriente. »
Lorsque le sentiment de honte est expérimenté, ce sont les trois piliers de l'identité, que sont l'estime de soi, l'affectivité et l'intégration dans le groupe, qui se retrouvent menacés.
L'estime de soi, car la honte se transforme en miroir déformant, au travers duquel la personne se perçoit, faisant d'elle une personne indigne d'amour. Une personne habitée par un sentiment d'être perpétuellement en faute. La honte tue toute chance de cultiver une bonne estime de soi. Elle l’entache un peu plus à chaque fois, pour finir par la faire disparaître.
La honte menace tout autant l'intégration sociale que l'affectivité, car ce sentiment provoque, non seulement une rupture avec l'environnement, mais surtout avec soi-même. Au cours de son développement, l'individu, bénéficiant d'un environnement aimant et sain, développe un partenaire privilégié intérieur, qui fonctionne à l'image d'une mère aimante et bienveillante. C'est ce partenaire intérieur qui permet à chacun d'établir ce que l'on nomme le « dialogue intérieur ». Ce dialogue intérieur nous permet le plus souvent de relativiser, d'analyser et de comprendre les expériences que nous vivons, mais aussi d'y faire face avec un certain aplomb. En résumé, c'est cette capacité au dialogue intérieur qui donne à chacun la sensation d'être maître de son monde. Or, la honte brise le contact avec ce qui sert de support à ses émotions, son partenaire intériorisé. ». Avec ce dialogue intérieur tranquillisant devenu impossible, la personne se retrouve privée de support intérieur et, par conséquent, de sécurité interne. Elle devient alors vulnérable, une proie facile pour toutes sortes d'abuseurs. Incapable d'entretenir un dialogue intérieur bienveillant, le sujet n'a d'autre choix que d'aller chercher cette consolation à l'extérieur, ou de se replier sur lui-même. Ainsi, dans des situations d'humiliation, le sujet voit son estime personnelle voler en éclats. Avec un dialogue intérieur apaisant rompu, il est enclin à donner le pouvoir à celui qui vient de le placer plus bas que terre, adoptant ses repères et ses croyances. On comprend pourquoi beaucoup de victimes d'abus finissent par croire qu'elles ne méritent pas mieux ! Car c'est ainsi que pensent leurs abuseurs !
La logique intellectuelle nous amènerait à penser que ces personnes n'ont aucune raison de ressentir de la honte, puisqu'elles ne sont pas à l'origine de l'abus subi. Pourtant, c'est bien ce sentiment de honte qui leur interdit, le plus souvent, de dénoncer l'abus ou même de se défendre. Dans son livre « La force des émotions », le psychiatre Christophe André avance des hypothèses formulées par des chercheurs en ce qui concerne cette honte ressentie par les victimes. L'individu intégrerait les notions d'autonomie et de contrôle comme faisant partie de sa dignité. Dans les situations d'abus, le sujet se voit privé de sa capacité de se défendre, de faire face à la situation, la honte s'installerait alors, car cette impuissance ressentie serait à l'encontre des valeurs de dignité humaine. Le sujet se retrouve honteux de n'avoir pas su se défendre !

« Formuler sa honte, c'est déjà la maîtriser ! », écrit le psychiatre André au sujet de la honte. Car si la honte désocialise, désoriente, il est essentiel de relancer le dialogue, de faire en sorte que la honte n'ait pas une chance de gagner la partie, en coupant l'individu de son environnement. Lorsque une honte est ressentie, il est essentiel de réinstaurer un dialogue avec l'extérieur pour pallier à la rupture de ce dialogue intérieur bienveillant.
En verbalisant l'émotion de notre passé, la honte cesse d'être un vestige morbide pour devenir un appel à la reconnaissance. Lorsque la honte se fait sentir, il est utile de choisir un interlocuteur neutre et bienveillant avec qui dialoguer ( un psy ) afin que ce dernier puisse offrir ce que la honte empêche : un regard accueillant et chaleureux sur son histoire, sur soi-même.
Car « la honte non dite accompagne le glissement vers une indignité toujours croissante, tandis que la honte revendiquée constitue le plus sûr rempart contre le risque d'envahissement. » (André)

Le sentiment de honte est pénible et angoissant à vivre, alors, il n'est pas rare que la honte se dissimule derrière d'autres manifestations, telle une immense ambition ou bien un ego survalorisé.
Il est aussi possible de projeter sa honte sur un tiers, à coup d'humiliation, ou sur un fait de notre histoire, sur un aspect de notre identité. Mais une chose est certaine, elle ne disparaît jamais, elle demeure tapie dans l'esprit et continuera de se manifester sous différentes formes.
Comme l'écrit le psychiatre Tisseron, « si les situations de honte peuvent facilement être oubliées, ses conséquences, elles, ne le sont jamais. Elles subsistent sous la forme de destruction et de fixations qui perturbent à jamais la vie psychique et relationnelle de celui qui en a été un jour marqué. » Ainsi en va-t-il de ce sentiment d'être perpétuellement en faute qui ne serait que la mise en scène de sa honte ressentie passée.
Il est donc primordial d'identifier la honte issue de traumatismes passés, d'accepter de la mettre à découvert en la partageant avec un interlocuteur de confiance et empathique, afin de s'offrir une chance d'en guérir. Car ce n'est pas la honte qui tue à petit feu, mais le silence auquel elle condamne.
PSYCHOLOGUE CLINICIEN - ANALYSTE
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