Une thérapie sans aborder son enfance?

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HeroAciD
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Une thérapie sans aborder son enfance?

Message par HeroAciD »

Je vois des psys depuis près de deux ans. J'en ai changé trois fois. J'ai commencé à consulter à cause d'un état dépressif et d'idées suicidaires.
Je n'ai tellement pas envie de parler de mon enfance en thérapie que je perds une énergie folle à trier ce que je dois dire. Pour finalement dire très peu tant je crains que n'importe quel sujet n'ouvre une porte sur mon passé. De même, selon la thérapie suivie, je lis tout ce que je peux trouver sur le sujet, pour m'assurer de comprendre les mécanismes de la thérapie et de déceler les amorces dans une direction non souhaitée.
Mon enfance: père porté sur la bouteille, violent avec ma mère. Cette dernière, dépressive, violente avec ses enfants, sauf moi. Je m'en suis tirée habilement en me faisant sa confidente, son garde du corps, son bouclier. Grâce à cette situation privilégiée, elle a rarement levé la main sur moi. Mon père ne battait que ma mère. Mais la violence était partout autour de moi, elle éclatait n'importe quand. J'ai grandi dans une atmosphère de peur, d'incompréhension, de catastrophe imminente, de vide et de chaos.
Le pire: je réalise que ce n'est pas vraiment dramatique. Il y a des enfances bien pires que celle-là. C'est en partie pour cette raison que je ne veux pas en parler et me poser en victime d'une enfance malheureuse qui me dédouanerait de mes responsabilités d'adulte.
Les psy nous encouragent toujours à ouvrir la boîte de Pandore, pour nous libérer d'un moment où les choses se sont figées pour nous. Mais justement, c'est figé! Les rare fois où j'ai tenté d'aborder ce sujet, je me suis changée en statue de pierre et ma voix s'est éteinte. Dès que j'essaie, j'ai le sentiment de me jeter dans un puit sans fond, et de me pétrifier en attendant de m'écraser au sol.
Aujourd'hui, ce n'est pas cette enfance qui me pose problème. Je n'y pense jamais! Je voudrais me faire aider en gardant tout cela hors des frontières de ma thérapie. Mais je ne sais pas comment en faire la demande ou si c'est réaliste.
enora

Re: Une thérapie sans aborder son enfance?

Message par enora »

Personnellement je ne pense pas que ce soit possible.
Mais c'est déjà tres bien que vous ayez conscience de vos stratégies d'evitement.
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Jeannette
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Re: Une thérapie sans aborder son enfance?

Message par Jeannette »

Stratégies qui n'auraient pas eu besoin de se mettre en place si elles n'étaient justement révélatrices de l'importance de ce qui se "cache" dans ces souvenirs...
Si quelque chose s’oppose à toi et te déchire, laisse croître, c’est que tu prends racine et que tu mues. A. de St Exupery - Citadelle
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HeroAciD
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Re: Une thérapie sans aborder son enfance?

Message par HeroAciD »

Oui, j'en ai absolument conscience, et je pense aussi que les stratégies d'évitement peuvent être salutaires. Elles ont une fonction nécessaire, elles nous protègent. En tant que patiente, c'est mon rôle d'évaluer mes limites et de protéger mon équilibre. On ne fait pas une thérapie pour s'abandonner à la souffrance quand même?
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Jeannette
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Re: Une thérapie sans aborder son enfance?

Message par Jeannette »

On fait une thérapie pour se libérer de ces souffrances qui nous influencent sans même que l'on en ait conscience. Pourquoi faire une thérapie si tout va très bien dans le meilleur des mondes ?
Et malheureusement, évoquer ces souffrances, les revivre et les exprimer une bonne fois n'est pas le but mais est généralement un passage obligé pour les laisser partir définitivement...
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enora

Re: Une thérapie sans aborder son enfance?

Message par enora »

La peur de la souffrance est souvent plus paralysante que la souffrance elle meme.
HeroAciD
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Re: Une thérapie sans aborder son enfance?

Message par HeroAciD »

enora a écrit :La peur de la souffrance est souvent plus paralysante que la souffrance elle meme.
Lors de ma thérapie précédente, encouragée par la psy, j'ai abordé quelques épisodes de mon enfance, par petites touches, mais ça a suffi à provoquer une grande tristesse d'abord, une énorme colère ensuite. Du jour au lendemain, je suis devenue agressive avec mon entourage et ma psy. Mes relations professionnelles, familiales et sociales en ont pâti. Durant cette période, suite à une séance tumultueuse, j'ai dû arrêter le travail avec ma psy. Ensuite, j'ai traversé trois mois d'angoisse. Je ne voulais voir personne. Dès mon retour du travail, je rentrais chez moi, je baissais les volets et je dormais. Certains jours, j'étais tellement abattue que je ne pouvais ni sortir de mon lit, ni manger. J'ai perdu 7 kg en 2 mois.
La réalité de la thérapie, c'est qu'on appuie sur tous les boutons d'un tableau de bord, et puis on rentre la tête dans les épaules en attendant l'explosion. En séance, ta psy te gratifie de quelques encouragements quand tu dis que tu te sens triste "Oh, mais c'est bien, ça prouve que vous vous autorisez enfin à ressentir les choses." Facile, dans quelques minutes on quittera son cabinet et il/elle n'aura pas à contenir les vagues qui déferlent sur nous.
Dans mon expérience, hélas, la souffrance a été plus paralysante que l'idée que je m'en faisais, sans quoi, je ne me serais jamais aventurée sur ce terrain.
Je crois à la thérapie, mais à condition de lui imposer des limites. Pourquoi ne pourrait-on pas guérir dans la retenue? Dans la pudeur? À l'humiliation de la première douleur, il faudrait ajouter celle de devoir la raconter dans le menu détail à une illustre inconnue, de préférence en se répandant en larmes, sans quoi vous serez taxé de psychorigide. Ça me semble bien injuste.
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Jeannette
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Re: Une thérapie sans aborder son enfance?

Message par Jeannette »

Je crois que c'est surtout ta psy avec qui la relation ne s'est pas "correctement" mise en place. Ou trop bien...
C'est dommage d'avoir arrêté à cause de cette colère. Il aurait mieux valu t'autoriser à l'exprimer en cabinet, histoire de l'y abandonner une bonne fois !
Car depuis, elle est toujours là, en toi, et je pense que tu dépenses une énergie impressionnante à "l'oublier" et à la maîtriser, même si tu ne t'en rends pas compte.
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HeroAciD
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Re: Une thérapie sans aborder son enfance?

Message par HeroAciD »

J'ai arrête selon le vœu formulé par la psy...

Penses-tu, Jeanette, qu'il n'y a que deux attitudes possibles face à la colère: la laisser exploser ou la maîtriser? On peut essayer de l'apprivoiser, sereinement. Pourquoi ne pas attaquer le problème avec sagesse et philosophie, plutôt que de tomber dans des schémas infantiles?

J'ai grandi avec des personnes qui sont passés maîtres dans l'art d'exprimer leur colère. Ce n'était pas une grande réussite. Et le fruit ne tombe pas loin de l'arbre. Chez moi, la colère est disproportionnée, destructrice, impropre à l'expression. Plus je lui lâche la bride et plus elle cherche à se ruer dans tous les coins de ma vie. Je ne ressens aucun soulagement à faire jaillir de moi ce qui m'a le plus terrifiée chez mes parents.
Le jour où je m'abandonnerai à une colère brute, ça signifierait que j'ai perdu tout espoir de me soustraire à mon héritage génétique.
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Jeannette
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Re: Une thérapie sans aborder son enfance?

Message par Jeannette »

La colère n'est souvent qu'un mécanisme de défense, une souffrance déguisée, masquée. Dans ces cas là, l'exprimer n'est utile que lorsqu'elle permet de retrouver la souffrance initiale. Dans le cas contraire, elle ne fait qu'en rajouter, ne serait-ce qu'en y mêlant des remords ou de la culpabilité de ce que l'on a "fait" ou "dit" sous l'emprise de la colère.
Mais ce dont je suis sûre, c'est que cette souffrance première reste en nous tant qu'elle n'a pas été exprimée. Et continue à nous empoisonner la vie, ne serait-ce justement qu'en provoquant des colères.
La démarche "philosophique" dont tu parles est justement, à mon avis, de laisser la colère non pas s'extérioriser, mais nous montrer la souffrance initiale afin de l'exprimer elle et de s'en libérer. Et cela, cela s'apprend, mais très rares sont les personnes qui en découvrent seules le mécanisme. Tout le monde n'est pas Bouddha ou Freud...
D'où l'intérêt d'un guide, d'un "thérapeute" (je mets des guillemets car l'on retrouve la même démarche auprès de quelques rares "écoles" dites spirituelles) qui, tout en laissant la colère s'exprimer va rester suffisamment neutre pour nous aider à voir la souffrance cachée derrière. Et c'est quasiment infaisable seul justement parce que, si l'on met en place ces mécanismes de défense, c'est que nous refusons de "voir" la souffrance et cherchons des moyens détournés d'en diminuer la pression sans la ressentir.
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