Passer à côté de sa vie

Forum maladie
mluigi
Messages : 26
Inscription : 14 déc. 2015, 10:04

Passer à côté de sa vie

Message par mluigi »

Bonjour,
Je ne sais pas très bien ce que je viens chercher ici car je ne crois plus en grand chose dans ce monde, encore moins en moi mais peut-être que quelqu'un ici détient LA BAGUETTE MAGIQUE.
J'ai 51 ans et je passe à côté de ma vie.
Un enfant dont les parents ne voulaient pas, des parents qui ne s'aimaient pas, une enfance muette et prostrée, des études plutôt bonnes peut-être m'aurait-on complètement abandonné si j'avais eu des sales notes. Très peu de copains, une adolescence transparente, une vie estudiantine assez dure à vivre.
Puis l'espoir, la rencontre avec la femme de ma vie, mariage, deux enfants, un peu d'espoir.
Mais peu avant 40 ans, j'avais toujours l'image en moi d'une bombe à retardement et elle a pété : TS, HP, traitements, psychothérapies, arrêt de travail, perte de ma place au sein de ma famille.
Aujourd'hui, je travaille, j'essaye d'être présent pour ma famille, plus de traitement, seule une psychothérapie (ça fait 11 ans avec la même psy) et je ne crois plus en rien.
Je suis mort de l'intérieur, je ne ressens plus rien, je n'ai aucune envie, je vis pour ne pas que mes enfants et ma femme aient à supporter ma mort. Je suis obligé de continuer, je m'accroche à mon travail et à ma place au sein des miens mais c'est très difficile de tenir. Je suis difficile à vivre, ma femme souffre. J'ai toujours été comme ça sauf qu'au fil du temps j'ai vraiment perdu tout espoir.
On me dit que je n'ai cas décider de vouloir être heureux, de mettre de côté mes manques, d'accepter ma vie et que ça va aller beaucoup mieux.
Super, je suis certainement une merde, un moins que rien pour ne pas arriver à être heureux alors que j'ai tout pour l'être mais je me noie dans mes angoisses, mes manques, je m'y complais très certainement.
Quand je lis les symptômes d'une dépression sévère, je m'y retrouve complètement (à part l'appétit que je n'ai pas perdu) mais ensuite ? Que faire ? Décider d'aller bien ? C'est ça la solution ? Eh bien, pour moi, c'est impossible, la douleur est immense, peut-être est-ce que je l'aime cette douleur mais si ce n'est qu'une question de volonté, de capacité à changer, de lâcher prise, je suis foutu.
Il me reste à attendre la mort (naturelle), en espérant qu'elle ne tarde pas trop, à faire ce que j'ai toujours fait, survivre noyé dans mes angoisses.
Je crois qu'il faut accepter que la dépression n'est pas qu'une maladie, certains êtres, comme moi, sont "codés" pour se faire souffrir et passer à côté de tout (ou presque), on est "inclassable".
Pourquoi écrire ? Trouver des personnes comme moi peut-être, même si ma psy considère que ce n'est pas une bonne chose.
Désolé pour ce post un peu long, c'est tout ce que je sais faire, parler (ou écrire) de moi.
Merci d'avance à ceux ou celles qui auront la patience d'aller au bout.
Avatar de l’utilisateur
Jeannette
Messages : 9276
Inscription : 19 nov. 2010, 10:21
Localisation : Ailleurs

Re: Passer à côté de sa vie

Message par Jeannette »

Tu n'as plus d'envie. Soit.
Mais quelles étaient tes envies d'adolescent ? Tes rêves de l'époque ?
Si quelque chose s’oppose à toi et te déchire, laisse croître, c’est que tu prends racine et que tu mues. A. de St Exupery - Citadelle
Il y a un moment où les mots s'usent. Et le silence commence à raconter. K. Gibran
mluigi
Messages : 26
Inscription : 14 déc. 2015, 10:04

Re: Passer à côté de sa vie

Message par mluigi »

Autant que je puisse m'en souvenir, j'ai toujours été prostré, sans envie, je crois que j'ai toujours eu peur de tout, la meilleure posture consistait à être transparent. J'ai fait du sport, j'avais quelques copains mais pour faire comme tout le monde, parce qu'on attendait ça de moi, parce que si je ne le faisais alors... Mon adolescence a été une catastrophe parce c'est à ce moment là que le couple de mes parents a explosé et que je suis devenu celui qui encaissait tout (bah oui puisque je ne réagissais à rien), le pilier pour ma mère et mon frère (mon père étant finalement parti).
Cela peut paraître bizarre mais j'ai toujours eu énormément de mal à savoir ce qui me faisait plaisir, encore plus aujourd'hui.
Je n'ai jamais eu de telles pensées à l'époque mais maintenant je me dis qu'enfant j'aurais dû fuguer et me tuer mais en aurais-je eu le courage de toute manière. Parce qu'à part pleurer sur mon triste sort, je ne suis pas capable de faire grand chose, je n'ai même pas réussi à aller au bout lorsque l'occasion s'est présentée. Aujourd'hui je me réfugie derrière le mal que je ferais à mes enfants et à ma femme. Je vis avec la mort à mes côtés, sans espoir et avec des pensées négatives constamment. En plus de ma thérapie classique, j'ai essayé une TCC, le psychodrame, l'hypnose mais je pense qu'au fond, je ne souhaite pas vraiment changer, ce qui domine c'est l'envie de destruction, de ma destruction, certainement que je n'étais pas assez bien pour que mes parents s'occupent de moi, pour que j'ai une vie "normale", des sensations comme tout le monde (comme la plupart des gens je veux dire).
Et aujourd'hui, heureusement que je me cache derrière un ordinateur car ma vie et mes propos sont assez pitoyables.
Malgré tout ce que j'écris et mes sensations, ce désespoir qui me tord l'âme, si je suis encore vivant, c'est qu'il doit y avoir une part de moi qui veut croire à quelque chose mais croire en quoi ? J'ai l'impression d'être un extra-terrestre de la dépression, que rien ne peut vraiment s'appliquer à moi.
J'aimerais parfois qu'on me parle franchement, quitte à être dur avec moi, genre "tu n'y arriveras jamais, c'est de ta faute, tu as trop peur de guérir, ...", au moins je comprendrais. On me sert du "vous progressez, vous êtes au travail, tu vas y arriver, etc." et je ne vois pas le bout du tunnel, le lâcher prise, l'acceptation du passé, l'image de moi, je comprends intellectuellement tous ces termes mais d'un point de vue psychologique, je suis une "quiche", je n'arrive à rien. Bon j'arrête là, je suis capable de noircir des pages entières. Merci à ceux/celles qui s'arrêtent pour prêter attention à mon discours
Avatar de l’utilisateur
Jeannette
Messages : 9276
Inscription : 19 nov. 2010, 10:21
Localisation : Ailleurs

Re: Passer à côté de sa vie

Message par Jeannette »

FRanchement ?
Oui, tu as peur de "guérir".
Mais si, tu peux y arriver.
Le jour où tu auras le courage de te séparer du bénéfice secondaire (voir ici viewtopic.php?f=717&t=1783&start=20 ) de l'image de "raté" qui te sert de masque et t'évite de risquer de découvrir qui se cache derrière...
Si quelque chose s’oppose à toi et te déchire, laisse croître, c’est que tu prends racine et que tu mues. A. de St Exupery - Citadelle
Il y a un moment où les mots s'usent. Et le silence commence à raconter. K. Gibran
mluigi
Messages : 26
Inscription : 14 déc. 2015, 10:04

Re: Passer à côté de sa vie

Message par mluigi »

Merci Jeannette pour ces quelques lignes qui m'ont bien fait réfléchir.
Je reconnais que ce principe du "bénéfice secondaire" s'applique à moi, même si je suis très peu entouré (j'ai fait le grand vide), même malade.
Mon parcours fait que j'ai des manques affectifs très marqués, les "vrais parents" que je n'ai pas eus, les copains/amis d'enfance que je n'ai pas eus, les amis que je n'ai pas, les femmes qui ne se sont jamais intéressées à moi. Certes, j'ai une épouse adorable, que j'aime sincèrement mais l'amour qu'elle me donne n'est pas suffisant, rien ne sera jamais assez riche pour combler tous ces manques.
Qui je suis, celui qui se cache derrière ? Mais je ne serai jamais autre que celui qui s''est "construit" sur ces expériences de la vie, est-ce que guérir veut dire accepter tout cela, le jeter à la poubelle et démarrer autre chose ?
Avatar de l’utilisateur
Jeannette
Messages : 9276
Inscription : 19 nov. 2010, 10:21
Localisation : Ailleurs

Re: Passer à côté de sa vie

Message par Jeannette »

> est-ce que guérir veut dire accepter tout cela, le jeter à la poubelle et démarrer autre chose ?

Non.
L'accepter, oui. Ou plus exactement, ne plus en souffrir. Mais pas en le jetant à la poubelle.
On ne peut réécrire l'histoire. Tu n'effaceras jamais le souvenir de l'enfant que tu étais, et ta personnalité présente en restera de toute façon marquée. Mais ne plus être cet enfant qui "attend et espère". Ne plus te définir comme "celui qui n'a jamais été assez aimé". Mais comme "celui qui a eu une enfance malheureuse mais est devenu un adulte libre". Qui sait profiter de la richesse de l'instant présent jusqu'à se dire que "finalement, si il fallait en passer par là pour vivre de tels instants, alors oui, ça valait le coup". Qui sait la valeur de chaque instant de bonheur, de ces regards et de cet amour que ses proches lui donnent maintenant, et qui n'en est que plus heureux.
Si quelque chose s’oppose à toi et te déchire, laisse croître, c’est que tu prends racine et que tu mues. A. de St Exupery - Citadelle
Il y a un moment où les mots s'usent. Et le silence commence à raconter. K. Gibran
mluigi
Messages : 26
Inscription : 14 déc. 2015, 10:04

Re: Passer à côté de sa vie

Message par mluigi »

Merci une nouvelle fois pour ta réponse
Sans vouloir te blesser, ton dernier message met en exergue exactement ce que je ne comprends pas dans la psychothérapie : "arrêter d'être comme cela et devenir comme ceci".
Pourquoi pas mais je suis assez cartésien alors quelle est lé démarche ? Concrètement comment puis-je m'y prendre ? Des exercices ? Combien de fois par jour ? Sérieusement, je ne vois pas comment je vais pouvoir profiter de chaque instant de ma vie dès lors qu'elle est pleine de tout ce que j'ai pu écrire avant. Je ne sais même pas ce que j'aime, bon j'arrête, je vais encore pleurnicher.
Non vraiment, seul je n'y arriverais jamais, je ne comprends pas ce qu'il faut faire. C'est un peu comme si d'un seul coup on me demandait de parler japonais alors que je ne connais même pas un mot.
Avatar de l’utilisateur
Jeannette
Messages : 9276
Inscription : 19 nov. 2010, 10:21
Localisation : Ailleurs

Re: Passer à côté de sa vie

Message par Jeannette »

En voiture, lorsque l'on rate un passage, on fait demi-tour et on y retourne.
Là, c'est pareil.
Tu t'es construit sur un réservoir. Un réservoir de souffrances et de manques que tu gardais pour toi, de colères que tu n'exprimais pas, d'attentes pour lesquelles tu ne faisais pas de demandes, d'espoirs qui n'étaient jamais satisfaits, ...
Et ce réservoir est toujours là.
La solution ? Retourner le vider.
Ne plus tenter de vivre malgré sa présence. Ne plus tenter d'apprendre à être "normal" maintenant. Mais accepter de s'y confronter. D'exprimer enfin tous ces ressentis qui, à l'époque, n'ont pas été extériorisés et sont restés comme des poisons. Redevenir, par moments, l'enfant malheureux qui aurait aimé dire "c'est pas ma faute si je ne suis pas comme tu voudrais que je sois, moi je veux juste que tu m'aimes et je fais tout ce que je peux pour cela mais apparemment ce n'est jamais assez, au point qu'à force d'essayer d'être celui que tu veux, à force d'essayer de deviner ce que tu veux, de croire que c'est ma faute si je n'y arrive pas, alors je ne sais plus ce que je veux moi..."
Le dire, en le ressentant. Comme l'enfant le ressentait...
Si quelque chose s’oppose à toi et te déchire, laisse croître, c’est que tu prends racine et que tu mues. A. de St Exupery - Citadelle
Il y a un moment où les mots s'usent. Et le silence commence à raconter. K. Gibran
mluigi
Messages : 26
Inscription : 14 déc. 2015, 10:04

Re: Passer à côté de sa vie

Message par mluigi »

Je crois sincèrement que c'est ce que j'essaye de faire depuis 11 ans, début de ma psychothérapie.
J'ai compris pas mal de choses sur moi au cours de ce travail.
Mais... j'en suis à écrire sur ce forum pour tenter de rallumer la flamme de l'espoir.
Je suis désolé, merci quand même pour ces réponses.
Avatar de l’utilisateur
Jeannette
Messages : 9276
Inscription : 19 nov. 2010, 10:21
Localisation : Ailleurs

Re: Passer à côté de sa vie

Message par Jeannette »

Peut être n'as-tu pas rencontré le "bon" psy... Parfois, il faut en essayer plusieurs avant que le courant ne passe. C'est tout autant une question de "personnes" qu'une question de compétence professionnelles. Un petit quelque chose qui fait que, auprès de cette personne, on va créer un espace de "non-temps", un entre-deux, au sein duquel beaucoup de choses vont pouvoir être réécrites, et surtout où l'adulte va pouvoir s'oublier pour redevenir l'enfant...
Et en termes de compétences, il est souvent important de privilégier une composante analytique : psychologue clinicien, psychanalyste, ...
Si quelque chose s’oppose à toi et te déchire, laisse croître, c’est que tu prends racine et que tu mues. A. de St Exupery - Citadelle
Il y a un moment où les mots s'usent. Et le silence commence à raconter. K. Gibran
Répondre

Revenir à « Forum maladie »

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 36 invités