La peur de l'abandon

Forum borderline, état limite
Minijeune
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La peur de l'abandon

Message par Minijeune »

Salut!

J'avais envie d'écrire sur un sujet qui prend beaucoup de place dans ma vie et qui est un symptôme du trouble de personnalité limite; quelque chose qui me fait réagir assez souvent et qui crée chez moi une anxiété qui me semble parfois insurmontable. Je parle de la peur de l'abandon réel ou imaginé, qui peut faire ressortir plein d'émotions désagréable à vivre lorsqu'on est face à cette réalité...

En d'autres mots, je suis réactionnelle à ce que je considère de l'abandon...
J'ai une blessure d'abandon béton... Truc étrange à dire parce que je sens justement que cette blessure est venue fissurer le béton de mes fondations affectives. Comment construire des murs solides quand notre fondation est faite de carton, et que face à une tempête, elle devient molle, imbibée d'eau, perméable! Aucune couche de protection ne venait avec la garantie!

C'est drôle comment ma blessure s'est forgée dans ma situation. Elle s'est imprégnée en moi de manière silencieuse.
Mes parents étaient présents et demandaient beaucoup de moi. Devenir la mère de sa mère atteinte d'un trouble anxieux non-traité, avec un papa narcissique qui mélangeait tout au niveau des limites... Que ce soit en lien avec la nature du lien, les jeux à connotation sexuelle et les désirs d'avoir un enfant parfait à travers lequel mes deux parents pouvaient se projeter. Excellente à l'école, bonne en sport, joueuse de foot hors pair, aidante auprès de tout le monde, reconnue pour être une mère Térésa... Qui se rapprochait des adultes de son entourage pour essayer de combler un manque affectif mais qui se faisait punir pour avoir eu ces comportements qui ne renforçaient pas les compétences parentales de ma mère... Alors que tout ce que j'espérais, c'était de me faire aimer par mes parents... De sentir leur amour. J'étais prise dans un cercle vicieux, ce qui ne m'a pas empêché de me développer au niveau cognitif parce que je devais être bonne... Je n'avais pas le choix, sinon, c'était la "mort" qui m'attendait... Le sentiment de rejet affectif, c'était la mort pour moi petite... Mais on a quand même abandonné la petite moi, celle qui aurait aimé se développer comme elle avait envie... Son grand côté artistique, ce qu'elle aime, ce qu'elle veut. Tout était remplacé par ce que mes parents voulaient. Je n'étais pas validée dans mes émotions, ni dans ma souffrance... Je ne pouvais pas aller mal, j'étais le pilier, j'ai joué au pilier trop longtemps.

J'étais malheureuse mais je gardais le sourire pour faire plaisir à tout le monde. J'arrêtais de manger mais on ne s'en souciait pas. Tout le monde était comme aveuglé par tout ce que je pouvais faire... Et comment je pouvais répondre aux besoins des gens facilement, pour qu'ils se sentent bons... Des bons enseignants, des bons entraîneurs... Je servais à ça dans ma famille, j'étais donc très talentueuse dans mon rôle de petite fille parfaite.

Ce n'est qu'adulte, quand je me suis rendue compte que j'étais incapable de rentrer en relation avec les gens, incapable d'avoir des amis sans jouer un rôle de sauveur, incapable de créer de liens de confiance... Quand je me suis mise à comprendre que j'avais un trouble d'attachement, que j'étais incapable d'être en relation de couple car l'anxiété devenait trop grande... Mais surtout lorsque je reproduisais tout le temps des relations fusionnelles avec des filles TPL, comme si j'avais besoin de souffrir à travers elles, j'ai su qu'il y avait quelque chose qui clochait... Toutes les transitions ont été chaotiques dans ma vie. Puis je suis à deux mois d'en vivre deux assez grosses... Le déménagement de la ressource où j'habite depuis près d'un an et ma psychiatre qui part à sa retraite. Ce sont deux choses que je pouvais prévoir depuis quelques temps. Je le savais!! Mais j'en vis les répercussions en ce moment. L'anxiété est à son comble, tellement qu'elle fait débarquer une partie rationnelle de mon cerveau... À chaque fois que les intervenants d'où je reste me parlent, j'ai l'impression qu'ils me disent de m'en aller, qu'ils ne veulent plus de moi... J'ai alors les émotions à fleur de peau, je ne comprends plus rien. Je fais des crises intenses, je perds mon contenant on dirait, mes émotions s'éparpillent partout... Je suis prise dans des dysphories intenses en sachant que les éléments déclencheurs découlent de ma peur d'abandon... Du sentiment que j'ai qu'on m'abandonne, même si je suis capable de me l'expliquer rationnellement que ce n'est pas ça qu'il se passe... Que les événements qui s'en viennent me font sentir comme ça... Mais ma tête n'est pas capable de rassurer la petite fille qui souffre d'un autre abandon, celui que fait résonner lui de mes parents que je me refuse de m'avouer... Par peur de vivre les émotions associées...

C'est tellement fou quand j'y pense que dans ma logique, ça fait moins mal d'être prise dans mon cercle vicieux que d'affronter la réalité en face et de comprendre que je n'ai pas eu de parents adéquats... Ça ne me donnera pas moins d'anxiété d'abandon dans un sens, ça va juste boucler la boucle de toutes les explications que je peux essayer de pondre pour comprendre le pourquoi du comment de mon état.

Il en reste que c'est réel... L'anxiété de séparation me fait faire des crises, et je sais que les deux prochains mois risquent d'être difficiles, car j'anticipe tellement! Je trouve ça vraiment dur à vivre. Je ne sais pas si vous avez déjà vécu des crises de ce genre, et si oui, qu'avez-vous fait??
Dubreuil
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Re: La peur de l'abandon

Message par Dubreuil »

Minijeune a écrit :
C'est tellement fou quand j'y pense que dans ma logique, ça fait moins mal d'être prise dans mon cercle vicieux que d'affronter la réalité en face et de comprendre que je n'ai pas eu de parents adéquats... Ça ne me donnera pas moins d'anxiété d'abandon dans un sens, ça va juste boucler la boucle de toutes les explications que je peux essayer de pondre pour comprendre le pourquoi du comment de mon état.
Tant qu'on a des parents ou des substituts, que l'on ne peut pas subvenir seul à ses besoins, on fait avec, qu'ils soient tortionnaires, pervers, insensibles, indifférents, etc, etc... et même aimants !
Après, quand on est en âge de subvenir à ses besoins matériels ( se nourrir, avoir un logement, s'habiller etc... ) on a plus besoin d'eux ( hors affects ), c'est nous qui maintenons le liens dans nos croyances d'abandon... certes, ça passe ou ça casse, mais à tout prendre si on et encore vivant, on peut aussi choisir d'être philosophe au lieu d'être victime... donc..
ils ne nous ont pas mis au monde pour que l'on reste " enfant ", ni pour s'occuper d'eux, ni les juger, sinon c'est loupé ! Autant pour eux que pour nous.
Ce sont des géniteurs que le hasard ( ou le hasard qui n'existe pas ) nous a présenté lors de la conception. Nous ne sommes pas tenus d'aimer nos parents, et ils n'y sont pas contraints non plus. Seul le respect est de mise...
Et c'est de ce manque de respect dont vous souffrez..
Tant que vous vous occupez de vous-même vous n'êtes pas abandonnée. Votre meilleure alliée, la personne qui est censée vous aimer le plus au monde, vous comprendre, vous pardonner, vous seconder, vous pousser, vous rendre heureuse, c'est vous.
C'est ce que vous faites dans votre thérapie, non ?

Alors, ça va bien venir un jour l'indépendance et l'autonomie affective, non !
PSYCHOLOGUE CLINICIEN - ANALYSTE
Minijeune
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Re: La peur de l'abandon

Message par Minijeune »

Oui, je fais beaucoup de travail en thérapie!!
Je suis dans une nouvelle thérapie de groupe, et c'est parfois explosif!! 10 personnes ayant des troubles relationnels, ensemble, pendant 3h00!!
Il s'en passe des choses!! Il en reste que j'aime ça, même si c'est intense!!

C'est un peu drôle car je sais que je chemine énormément... Je ne suis plus la Minijeune d'il y a deux ans.
Je ne suis plus celle qui décompense tout le temps non plus. J'ai quitté la passivité un peu pour me prendre plus en main, pour reprendre ma vie en main. Il en reste que je trouve ça parfois injuste d'avoir les blessures que j'ai. J'ai encore du mal à accepter par où je suis passée, et les tords que ça l'a causé. J'ai fait plusieurs choses dans ma vie pour avoir mon autonomie financière, pour répondre à mes besoins physiques. Je sais cuisiner, je sais gérer mon budget, j'ai ma voiture et je peux donc me transporter d'un endroit à l'autre... Mais mes besoins affectifs, c'est une autre paire de manches.

Je reste avec une espèce de fantaisie de réparation (c'est comme ça qu'on appelle ça en thérapie), que quelqu'un, peut-être, pourra venir réparer le mal qui a été causé. Je n'avais jamais voulu penser que cette personne serait moi, comme si je voulais éperdument une maman remplaçante, quelqu'un qui pourrait me bercer quand j'ai peur... Me prendre dans ses bras en voulant répondre à mes besoins (et pas le contraire comme j'ai vécu). Je ne cherche pas de conjoint, je ne suis même pas intéressée ou même prête à cela. Je reste collée sur l'image de la maman, que je ne veux pas laisser partir. J'ai beaucoup de colère, que je me refuse de vivre. J'ai un deuil à faire. C'est de plus en plus clair pour moi. Mais j'ai peur...

J'ai peur de la solitude. J'ai peur d'aller mieux parfois parce que je sens beaucoup de réconfort venir des intervenants qui gravitent autour de moi. C'est comme des bénéfices secondaires... À quelque part, une petite partie de moi pense que si je reste malade, je vais continuer à recevoir de l'attention et penser qu'on m'aime. Et c'est complètement fou!! Au moins, j'en suis consciente et je travaille fort sur tout ça. Je sais que la sensation de plénitude viendra lorsque je voudrai grandir, que j'arrêterai de chercher à l'extérieur de moi. Je sais qu'à ce moment aussi, ce sera plus facile pour moi d'entrer en relation. Peut-être que je comblerai mes blessures d'abandon et que les relations deviendront moins épeurantes, ou insatisfaisantes...

Mais bon, une étape à la fois. La prise de conscience en est déjà une bonne.
Un jour, je serai prête!! :)
Dubreuil
Psychologue clinicien
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Re: La peur de l'abandon

Message par Dubreuil »

Minijeune a écrit : J'ai peur de la solitude. J'ai peur d'aller mieux parfois parce que je sens beaucoup de réconfort venir des intervenants qui gravitent autour de moi. C'est comme des bénéfices secondaires...
À quelque part, une petite partie de moi pense que si je reste malade, je vais continuer à recevoir de l'attention et penser qu'on m'aime. Et c'est complètement fou!!
- rectification : Et c'est complètement faux !
Cessez de mêler la folie à toutes vos pensées et vos actes, c'est un mot qui ne veut rien dire et ne garde que la noirceur de ce que vous y mettez.

Je sais que la sensation de plénitude viendra lorsque je voudrai grandir, que j'arrêterai de chercher à l'extérieur de moi.
- Vous avez grandi, puisque vous dites que vous n'êtes plus la personne d'y il y a 2 ans. Ayez l'honnêteté de votre valeur, acceptez d'être belle et forte, courageuse et intelligente.

Je sais qu'à ce moment aussi, ce sera plus facile pour moi d'entrer en relation. Peut-être que je comblerai mes blessures d'abandon et que les relations deviendront moins épeurantes, ou insatisfaisantes...
- Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises façons de rentrer en relation, il y a La relation , et comment l'interlocuteur peut être lui-même face à soi.

Un jour, je serai prête!! :)
- En tout cas, sur " écran " vous l'êtes !
PSYCHOLOGUE CLINICIEN - ANALYSTE
Minijeune
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Re: La peur de l'abandon

Message par Minijeune »

Ça fait longtemps que je ne suis pas venue sur le forum!
En presque 6 mois, il s'est déroulé vraiment beaucoup de choses. Du positif, du négatif... L'équilibre quoi!!!

Je suis revenue sur ce vieux post parce que je vis quelque chose en lien avec la peur de l'abandon et les relations.
Je trouvais intéressant de faire un lien avec ce qui était écrit plus haut!

Cet été, j'ai rencontré un gars avec qui ça l'a cliqué! Nous avons passé beaucoup de temps ensemble à se balader en voiture, et surtout en partageant notre passion de la musique, se faisant découvrir de nouveaux artistes. C'était presque magique! Moi qui avait de la difficulté avec la proximité physique, j'apprivoisais la sienne, j'apprivoisais la mienne. Par contre, l'espèce de point de non-retour a surgi. Il venait de me dire qu'il m'aimait. On projetait s'en aller en vacances ensemble (et donc dormir ensemble... chose qui pour moi est très difficile et intime à mes yeux). J'ai paniqué!! J'ai reculé en attendant le premier prétexte pour m'enfuir en courant, malgré tout le positif que la relation pouvait m'apporter. J'ai eu peur d'aimer, parce que la douleur pouvait être si intense si je me laissais enfin aller... qu'arriverait-il s'il me laissait tomber... Est-ce que ça valait la peine de peut-être perdre mon équilibre que j'avais réussi à trouver minimalement en moi.

Je suis partie en courant, en lui expliquant que je n'étais pas capable, que je vivais un blocage, que j'avais peur mais que je reviendrais quand l'anxiété aurait descendu. Il faut aussi dire que dans mon environnement, j'avais de gros enjeux d'anxiété qui n'avaient pas de lien avec cette relation... La perte d'un emploi, changements de médication, déménagement, nouveau médecin, j'ai aussi lâché l'école pour prendre soin de moi parce que je perdais ma fonctionnalité.

Mais bon!
L'important c'est que ça va mieux maintenant, et comme je lui avais dit, je suis revenue vers lui, presque 2 mois après le genre de rupture que je lui ai fait vivre... Il n'était plus au même endroit, il avait rencontré quelqu'un d'autre, il se posait beaucoup de question parce qu'il se rendait compte que lui aussi il reculait quand ça devenait trop sérieux. C'était justement ce qu'il s'était passé avec la fille qu'il avait rencontré pendant mon absence dans sa vie. Il m'a avoué que si je n'avais pas backé, il l'aurait peut-être fait... Il m'a dit qu'il me comprenait dans un sens. Ça nous a rapproché.

C'est la première fois que je reviens vraiment vers la personne après avoir reculé. Habituellement, je ne veux pas revivre d'anxiété, je m'enfuis et ne revient jamais... C'est moins anxiogène. Là, je me suis dit que ça suffisait et que je méritais d'être heureuse... Et comme dans le film "Mange, Prie, Aime", on peut se donner la chance de faire rentrer l'amour dans notre vie, au risque d'en perdre notre équilibre... Ça fait parti d'un mode de vie sain!

On se revoit lui et moi.
Je me sens bien en sa présence. Je me sens bien quand on se colle. Je me rends compte que j'ai des sentiments pour lui et que j'ai envie de développer une relation avec lui. J'ai fait dodo avec lui hier soir, chose qui est assez symbolique pour moi parce que même si on n'a pas couché ensemble, c'est comme de faire rentrer quelqu'un dans mon intimité, ça veut dire beaucoup pour moi. Je ne me suis pas enfuit, je me suis sentie bien, à ma place. Je fais des petits pas. Oui j'ai une peur qu'il recule à son tour, ou que ça ne fonctionne pas mais la peur de l'abandon ne semble plus me scier les deux jambes! :)

Un peu de positif fait du bien!!!
Dubreuil
Psychologue clinicien
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Inscription : 03 août 2012, 17:28

Re: La peur de l'abandon

Message par Dubreuil »

S U P E R !
Ce qui est fait est acquis à jamais.
Bravo.
PSYCHOLOGUE CLINICIEN - ANALYSTE
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