Deuil insurmontable

[Jessy64]

Bonjour Marie,
Je suis tombée totalement par hasard sur ce forum, et ton message me touche sincèrement, car je viens de vivre une expérience à peu près similaire à la tienne, hormis quelques détails très douloureux auxquels j'ai du faire face auparavant il y a seulement 2 ans. J'ai 27 ans et ma maman a succombé à son cancer de la plèvre (qui avait ensuite peu à peu métastasé dans les os) le 9 juillet dernier en soins palliatifs au bout de 5 ans de combat acharné, et à seulement 51 ans. C'était une femme magnifique, d'une gentillesse et d'un dynamisme infinis!
Comme je disais, 2 ans auparavant ma grand-mère (que je considérais comme ma 2ème maman car elle m'a en partie élevée jusqu'à l'âge de 3 ans) a été emportée brutalement en un mois par un cancer du foie diagnostiqué en phase terminale (par erreur médicale qui plus est!). J'ai assisté à son agonie jusqu'à la fin. Depuis le décès de ma grand-mère, tout le noyau familial a éclaté car elle jouait le rôle de pilier central pour maintenir cette cohésion. Traumatisée par le décès atroce de ma grand-mère, j'ai pu vite refaire surface grâce à ma mère sur qui je devais avant tout me concentrer à cause de son cancer. Il ne me restait plus que ma maman qui était tout pour moi, tout comme elle l'était pour toi. Elle était ma maman, ma meilleure amie, ma confidente, l'amour de ma vie, il ne se passait pas un jour sans qu'on se téléphone ou qu'on s'écrive lorsque je suis partie m'installer à Paris avec mon copain pour le travail. Dès que je sortais du travail, mon premier réflexe était de l'appeler pour lui raconter ma journée ou mes soucis. Sa situation s'est réellement dégradée en mars dernier; j'ai donc mis ma vie à Paris et mon couple entre parenthèse (chose que mon compagnon a tout à fait accepté, fort heureusement!) pour revenir à son chevet et m'occuper d'elle. Certes j'ai un petit frère mais qui est autiste et qui est absorbé par son travail, et mon père est assez âgé (73 ans) et c'est une personne très froide (ancien combattant), qui n'apporte aucun réconfort sur le plan affectif, même s'il en a fait énormément sur le plan médical et administratif. Ma mère ne pouvait donc compter que sur moi; j'ai pris la place de sa maman en quelques sortes. Bref, je me suis investie physiquement et psychologiquement pour qu'elle se batte et qu'elle s'en sorte, en vain. Même si les médecins m'avaient convoqué dans leur bureau et m'avaient annoncé que l'issue serait fatale, je me refusais d'y croire : "ma mère, mourir : ce n'est pas possible!!!!" Là non seulement je me retrouve anéantie avec mon père et mon frère qui réagissent très froidement et ne m'apportent aucun soutien moral, mais en plus je garde les images de sa terrible agonie les deux derniers jours (pour raconter les détails, elle est morte en s'étouffant dans mes bras avec l'équipe médicale autour essayant de lui mettre un masque à oxygène, et moi je n'avais qu'à assister à ce triste spectacle sans ne rien pouvoir faire!) Cela vient me hanter toutes les nuits, je suis obligée d'avaler de fortes doses de somnifères, je n'arrive plus à m'alimenter depuis son décès (1 mois maintenant), et je m'aperçois avec consternation que je ressens tous les symptômes que ma mère a ressenti au cours de sa phase terminale (étouffements, nausées, vomissements...). Je n'arrive pas à envisager ma vie sans elle, elle ne verra pas mon mariage, mes enfants, elle qui voulait tant être grand-mère! Et du coup cela a ré-ouvert la blessure du deuil de ma grand-mère que j'avais refoulée pour me concentrer sur ma mère, je dois faire face au deuil de mes deux mamans, c'est très difficile! Tous les matins au réveil, je suis envahie par des sentiments de colère et d'injustice envers la vie qui m'a enlevé les deux personnes qui comptaient le plus à mes yeux et a laissé en vie les personnes qui m'empoisonnent la vie et ne font que me piétiner chaque jour! (Mon grand-père est toujours en vie et est une personne aigrie, méchante, qui a beaucoup fait souffrir ma grand-mère et ma mère, et qui s'en prend à moi à présent, alors il ne faut pas s'étonner si chaque jour je pense que c'est lui qui devrait être à six pieds sous terre, au risque de paraître méchante, j'ai été témoin de ses horribles propos).
C'est pour ça que ton message m'a tellement touchée, je constate que tu avais la même relation fusionnelle avec ta maman que j'avais avec la mienne, et à présent on se pose exactement la même question : comment faire sans elle? As-tu un entourage sur qui tu puisses compter? Pourquoi ne pas essayer des séances de psychologie? Moi qui étais contre tout cela, j'envisage sérieusement de me prendre en main, car là ça ne fait qu'un mois, j'ai l'impression de perdre pied, et je sais que ça n'ira pas en s'arrangeant avec le temps vu qu'il ne fera que souligner un peu plus l'absence. A part ça que dire? Il n'y a pas grand chose à dire mis à part que je comprends tout à fait ce que tu ressens, que je suis aussi perdue que toi et que je suis de tout coeur avec toi!
Je t'embrasse!

Jessica