une autre personne dans sa tête

[1maman]

Bonjour, je viens vers vous car je suis inquiète pour mon ado de 15 ans et de ses propos d'hier soir. Mais il me faut commencer par le début pour que vous compreniez :
Ma fille a été violée il y a deux ans maintenant par un jeune de 16 ans durant les vacances d'été. (C'était son petit chéri, elle en était très amoureuse et quand il a voulu passer à l'acte, elle lui a dit non, il a insisté et devant son refus, lui a fait peur en tapant sur la table et en la menaçant.)
A son retour de vacances, elle ne m'a rien dit sauf qu'elle avait couché avec lui. J'ai donc eue une réaction de maman : pas contente du tout !
Un mois après ce viol, jour pour jour, ma fille fait une tentative de suicide et là... c'est l'enfer ! La peur de la perdre, la découverte des faits.
Durant son hospitalisation, l'équipe psychiatrique a fait un très bon travail malgré le refus de ma fille d'y adhérer complètement. Elle assurait ne plus vouloir mourir mais qu'elle se fera encore du mal.
Effectivement, nous avons eue une période de scarifications sur les bras. Et puis, ces malaises... souvent... qui a chaque fois nous conduisait encore à l’hôpital... des heures... des test neuro, cardio, etc... et toujours rien... En fait, c'est comme un malaise vagale. Je pense que quand elle est dans une grande souffrance psy, c'est son corps qui lui dit "stop !". Elle perd connaissance et puis (c'est elle qui nous l'a expliqué) quand elle se réveille, elle n'arrive pas à bouger, même pas à ouvrir les yeux mais elle entend tout. Un jour, lors de notre visite chez le médecin généraliste pour un rhume, elle a fait un malaise. Pour la première fois, un médecin était près d'elle à ce moment là. Il a dit "on sent le pouls filer, limite à prendre des mesures et psiiiitttt, il revient d'un coup"
Et puis aussi ces hallucinations... elle avait des crises de paniques parce qu'elle le voyait dans la rue, dans sa chambre, elle entendait sa voix (alors qu'il vit à 1000 kms de chez nous).
Mais tant bien que mal, elle arrive petit à petit, avec des hauts et des bas, à aller de l'avant.
Si je viens vers vous aujourd'hui, c'est que hier soir, elle me disait que parfois elle avait l'impression d'avoir une autre personne dans sa tête, une personne qui la rend furieuse, agressive, qui lui parle...Et puis la nuit, toujours ses hallucinations, son violeur, mais aussi d'autres personnes des personnes vivantes qui par une moquerie, un mot déplacé, la mette en souffrance ; des personnes mortes, comme sa grand-mère qui lui pose sa main sur sa jambe pour la rassurer...
Elle m'a dit "tu penses que je suis folle maman... ?" Je lui ai dit que non, bien sur et que c'était bien si la présence de sa grand-mère la rassurait dans ses moments.
Si elle me l'a dit, c'est qu'elle attendait de moi une réponse apaisante, une explication à cela... mais que lui dire ? Comment l'aider ?

[Jeannette]

Comment l'aider ?
En n'attendant pas la prochaine crise pour lui faire rencontrer un psychologue clinicien avec qui elle pourra parler de tout cela en toute liberté et sanc crainte d'inquiéter la personne présente en face d'elle.
En lui expliquant, d'ici là, que Pinocchio n'est pas le seul à être accompagné, que nous avons tous un inconscient (et non pas une conscience...) qui nous parle la nuit, dans nos rêves, et qui parfois peut même nous parler dans la journée quand ce qu'il a à dire est très important... Parce que c'est comme un iceberg : on a conscience d'un petit bout. Mais sous la surface, il y a le plus gros morceau. Et que lui, on oublie souvent qu'il est là.
Et que c'est justement tout ce que cet inconscient veut dire qu'il faut qu'elle discute avec un psychologue, qu'il sera l'interprète. Et que une fois que son inconscient aura dit ce qu'il a à dire, il la laissera tranquille...

[enora]

La question se pose aussi d'un dépot de plainte pour viol non?
(comment sinon peut elle prendre conscience du fait que ce qu'elle a subit est injuste?)

[1maman]

Merci de vos réponse. Je ne pensais même pas à en avoir une .... En effet, elle est suivie par un psychologue depuis sa tentative de suicide. Au début, c'était par un psychiatre mais le contact est mal passé : peut être parce que c'était un homme et puis, parce qu'il a voulu la mettre sous traitement (2 atarax/jrs), ce qu'elle refuse catégoriquement. Je reconnais que le matin, elle faisait très zombie... Avec sa psychologue, le contact passe mieux mais, comme elle le dit elle même : "je n'ai rien à lui dire maman, personne ne pourra m'aider". De plus, elle est en contact téléphonique régulier avec une coordinatrice médico-sociale dont le but est d'éviter une récidive de suicide. Pour ce qui est d'un dépôt de plainte, elle refuse de le faire pour le moment, elle se dit pas prête encore. Un dossier a été ouvert et enregistrer. Le commissaire qui nous a reçut lui a donner un numéro de dossier en lui disant que le jour où elle sera prête, il lui suffira de revenir et qu'ils seront là pour prendre sa déposition.
Jeanette, merci de ta réponse. J'y trouve effectivement un fil conducteur dont je vais me servir : Différencier le conscient de l'inconscient.

[Jeannette]

Accepterait-elle (et aurait-elle la possibilité) de rencontrer d'autres victimes de viol dans des groupes de parole ? Anonymement, bien sûr.
Si cela se déroule comme celui que je connais, elle n'aurait aucune obligation de parler, et pourrait se contenter d'écouter. Mais cela pourrait lui donner l'occasion de découvrir que l'on peut s'en sortir, tourner la page et revivre.
C'est tellement plus "facile" à croire lorsque ce sont des personnes qui l'ont vécu qui le disent... Et cela l'aiderait énormément, je pense.
Mais elle a raison au moins sur un point : personne ne pourra l'aider tant qu'elle ne sera pas décidée à affronter certains souvenirs, à les exprimer, à accepter d'en parler aussi difficile que ce soit. En d'autres termes, à s'aider elle-même... Et pour trouver ce courage, il faut qu'elle soit convaincue que la lumière est au bout du tunnel...

[1maman]

>Accepterait-elle (et aurait-elle la possibilité) de rencontrer d'autres victimes de viol dans des groupes de parole ? : J'en doute beaucoup... mais je vais lui en parler.
Par contre, nous avons pu discuter hier soir et j'ai sauté sur l'occasion de lui parler de son inconscient... et elle m'a semblé très intéressée par mon blabla sur l'iceberg et sur l'importance de la psychologue dans son rôle d'interprête. Elle est d'accord sur l'idée et pense lui en parler à son prochain rendez-vous.
Pour la petite histoire rigolote, elle m'a dit au bout du compte :"t'es une super bonne psychologue maman !". Alors, merci Jeannette

[Jeannette]

La meilleure récompense serait que cela l'aide à avancer